Le hareng en héritage

Michèle Baczynsky
Dans le monde ashkénaze, en Russie ou en Pologne, le hareng était « le » poisson de la table juive par excellence, une source précieuse de protéines lorsque la viande se faisait rare et trop chère. Seuls les plus nantis pouvaient remplacer ce poisson de pauvres, par de la carpe, pour Shabbat et les grandes fêtes.
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Le chroniqueur britannique Chaim Berman se rappelle : « Le dimanche, on avait du hareng en saumure ; le lundi, du hareng mariné ; le mercredi, du hareng au four ; le jeudi, du hareng en beignet à la farine d’avoine ; le vendredi, du hareng à la crème aigre ». Il est encore aujourd’hui, dans certains milieux, au menu traditionnel des fêtes juives et grands événements familiaux, recouvert d’oignons, coupé en tronçons, bien gras, soyeux et savoureux.

Je me rappelle, quand j’étais enfant, à la rupture du jeûne de Yom Kippour, à la synagogue, des gens qui se rassemblaient devant le buffet. Ils tenaient dans une main un morceau de shmaltz herring, du hareng gras, salé, posé sur un kikhlekh, un biscuit à base d’œufs, et dans l’autre un petit verre de vodka qu’ils buvaient cul sec après cette longue journée de jeûne.

Le hareng du dimanche était celui que préparait ma tante. Elle le faisait mariner dans sa laitance (c’était des harengs mâles) avec du vinaigre et du sucre. Je trempais la tranche de pain de seigle au cumin dans le vinaigre et mordais dans un morceau de shmalz herring, un moment de plaisir gustatif un peu gâté par les malicieuses et très fines arêtes. Très ashkénaze, cela.

C’est donc avec bonheur que j’ai découvert le livre Hareng, une histoire d’amour de Cathie Fidler et Daniel Rozensztroch (Ed. Pointed Life Press NY). A l’origine de ce bel ouvrage, l’amitié entre les deux auteurs et leur passion pour le hareng, c’est-à-dire, implicitement, leur héritage culturel ashkénaze. Entre autres informations sur  l’évolution de sa pêche, de sa conservation et de son commerce, on pourra admirer la riche iconographie, avec les terrines à hareng et autres objets collectionnés avec amour par Daniel ; les cartes postales, affiches, timbres rassemblés par Cathie. Des recettes aussi et des anecdotes personnelles. Et des blagues juives sur le hareng. Celle-ci en particulier :

Un reporter d’un journal juif local vient interviewer Monsieur Rosenberg qui va fêter ses 100 ans.

-« Quel est le secret de votre longévité ? »

-« Chaque soir, je mange du hareng avec un verre de schnaps ».

Le journaliste s’étonne :

« Du hareng et du schnaps, c’est tout ? »

Le vieux Monsieur Rosenberg sourit et ajoute « Et aussi annuler son voyage sur le Titanic. Ca ajoute des années ».

Hareng fumé
Recette de Sonia Fidler, la grand-mère de Cathie Fidler.
Avec l’autorisation des Editions Pointed Life Press NY

Ingrédients
Pour 4 personnes

• 400 gr de filets de hareng fumé
• 1/2 l de lait
• 2 oignons rouges coupés en lamelles
• 2 carottes coupées en rondelles
• 2 feuilles de laurier
• 2 clous de girofle
• 4 baies de genièvre
• 100 gr de sucre roux
• 1 /3 l de vinaigre de vin ou de pommes
• 1/3 l d’eau
• 1 càs de grains de poivre

Réalisation
Disposez les filets de harengs dans un plat creux et recouvrez de lait.
Dessalez-les ainsi une heure ou deux. Sortez et rincez-les sous le jet d’eau du robinet. Séchez-les dans du papier absorbant.
Disposez les filets de harengs dessalés, en couche, dans une terrine. Déposez les rondelles d’oignons au-dessus et entre chaque couche de hareng.
Faites bouillir le vinaigre, l’eau, les rondelles de carottes et le sucre pendant quelques minutes jusqu’à ce que le sucre soit dissout.
Versez la préparation vinaigre/eau chaude sur les filets de hareng. Rajoutez les feuilles de laurier, les grains de poivre, les clous de girofle et les baies de genièvre.
Laissez refroidir avant de mettre le hareng au réfrigérateur. Faites mariner deux, trois jours avant de consommer avec une tranche de pain de seigle.

Bon appétit !

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