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Mardi 2 juin 2020 par
Publié dans Regards n°1064
Littérature, théâtre et cinéma. De Chicken Street à Ma Place sur la photo, du Vieux Juif Blonde à Holy Lands, Amanda Sthers mène trois carrières de front. A l’occasion de la sortie de son onzième roman, Lettre d’amour sans le dire (Grasset), nous avons interrogé l’auteure sur les grands thèmes qui traversent son nouveau livre.
© JF Paga
La sortie de Lettre d’amour sans le dire a été repoussée pour cause de coronavirus. Cette longue pause a-t-elle été propice à la création ?
Je pense qu’un auteur crée tout le temps et encore plus dans les moments dans lesquels il n’écrit pas. Jean Philippe Toussaint l’a décrit avec merveille dans « l’urgence et la patience ». Je sortais d’un « confinement volontaire », car je venais de terminer mon roman et tous les auteurs se retranchent du monde pour écrire. Mais nous n’écrivons retranchés que si la ruche autour continue à bourdonner, si on sent la vie. Je ne sais pas encore ce que cette « pause » a créé en moi, à part de l’angoisse. J’ai beaucoup dessiné, j’avais envie d’un retour à des choses de l’enfance, ça me rassurait sans doute. Disons que j’en saurai plus dans quelques mois.
Votre nouveau roman fait la part belle aux sentiments. L’époque aurait-elle plus que jamais besoin de romantisme ?
Je ne pense pas dans ces termes quand j’écris un livre, mais j’espère que les sujets qui me choisissent font écho à ce que les gens attendent peut-être sans le savoir. Plus que de romantisme, je pense que nous avons besoin d’espoir. Je suis usée du cynisme, de la violence, je voudrais penser que les illusions perdues peuvent se retrouver, se réinventer. J’aime les secondes chances. La seule chose qui lie tous les êtres humains, la seule drogue au-dessus des drogues, la seule croyance au-dessus des autres religions : c’est l’espoir en l’amour.
Le roman est traversé par la question féministe. Parlez-nous de votre héroïne, de son profil...
Alice a 48 ans, c’est une femme empêchée, prisonnière d’elle-même, de ses origines modestes, de ses peurs, de ses souvenirs douloureux… Il est difficile de parler d’amour aujourd’hui sans se poser la question de l’impact qu’a l’évolution du rôle des femmes dans la société. L’équilibre n’a pas été retrouvé et j’ai le sentiment que beaucoup de femmes « paient » leur réussite et leur capacité à assumer leur indépendance, car elles effraient un grand nombre d’hommes. Ce sera différent dans la génération de mes fils, mais pour l’heure, nous sommes la génération sacrifiée, sans repères.
L’autre fil rouge du roman, c’est la question de l’Autre, de l’étranger, qui peut nous permettre de nous réinventer...
Avec la mondialisation, il est de plus en plus difficile de trouver une culture qui ne soit pas proche de la nôtre. Tous les grands pays connaissent une certaine forme d’uniformisation culturelle. Le Japon, lui, résiste. Je trouve qu’il y a dans cette culture la magie et l’émotion que peuvent procurer la rencontre avec « l’Autre » et incarner ainsi à perfection l’émerveillement amoureux : on découvre un monde différent, qui nous enchante, dont on avait entendu parler, mais dont on ignorait jusque-là l’existence réelle…
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